L’eau potable en Martinique menacée par les changements climatiques, avec des conséquences sur la santé et la biodiversité
ActuCyclone
1 mars 2024
L’Office De l’Eau en Martinique a publié une étude sur la ressource face aux changements climatiques. Le document montre les vulnérabilités de l’île et révèle que sans action, la resource, sa qualité et sa biodiversité, pourraient être menacées, particulièrement dans le centre et le sud de l’île.
Le territoire de la Martinique n’échappe pas aux changements climatiques. Chacun aura observé par exemple qu’il fait plus chaud qu’auparavant, que les précipitations sont irrégulières et que les cyclones sont plus intenses.
Ces facteurs impactent forcément la ressource en eau potable de l’île, dont la préservation est cruciale, car chaque citoyen consomme en moyenne 151 litres par jour. 94% de cette eau est prélevée dans les rivières, dont 21% dédiés à l’irrigation des terres agricoles.
Météo France prévoit une augmentation moyenne de la température pouvant dépasser 3°C d’ici à 2080, avec une réduction des précipitations de 15% sur presque tout le territoire. Cette baisse de pluie prolongerait la période sèche, diminuant par conséquent la disponibilité en eau, surtout dans les zones centre et sud où la demande est élevée, en raison de la densité de la population et des activités industrielles.
Le réseau de distribution est déficient, puisqu’il perd 50% du précieux liquide, soit 20,5 millions de m³ par an, tandis que l’urbanisation croissante exacerbe le problème selon l’étude.
La rivière Desrose au François dans le sud, est l’un des cours d’eau dont la biodiversité est la plus menacée. Un plan d’action de l’Office est d’ailleurs mis en place avec la municipalité, l’Espace Sud et l’Etat pour préserver l’écosystème du site. Même préoccupation à Rivière-Pilote et à Rivière-Salée où cette biodiversité est également mise à mal.
Sur les 160 rivières recensées par l’ODE, la menace s’est aggravée à cause des activités humaines. Elle agit sur le tracé des cours d’eau, sur son habitat et interrompt sa continuité écologique. En période de carême, 9 bassins-versants sur 10 sont prélevés au de-là des débits autorisés.
“Nous avons une dégradation de 2/3 des rivières que nous suivons” estime Melissa Bocaly, responsable du service connaissance des milieux et des pressions à l’Office. Ces dégradations liées aux changements climatiques, entraînent la vulnérabilité des zones protégées, des pollutions et le développement d’espèces exotiques envahissantes.
Le réchauffement climatique a plusieurs effets négatifs sur l’eau des rivières en Martinique. Quand elle est insuffisante pendant les sécheresses et que sa consommation n’est pas raisonnable, la pollution s’aggrave. De plus, l’érosion des terres devient plus sévère, ce qui cause beaucoup plus de sédiments dans l’eau. Celle-ci est trouble et pose des défis lors de la captation et présente des menaces pour la santé.
Depuis 2019, l’utilisation des pesticides par les particuliers est interdite, mais la règle n’est pas respectée, ce qui détériore un peu plus la qualité des eaux des rivières du territoire. De même, 60 % de la population ne serait pas connectée à l’assainissement collectif et les installations ne seraient pas régulièrement vérifiées.
D’après le rapport SDAGE 2022 “seulement 38% des rivières sont considérées comme saines écologiquement, si on ignore la pollution par la chlordécone. Avec le pesticide, cette proportion tombe à 28%”.
Cette étude contribuera à la stratégie de la Collectivité Territoriale de Martinique pour sécuriser la ressource en eau et réviser le SAR (Schéma d’Aménagement Régional). Elle soutient aussi le plan Eau de l’État, maintenu grâce à un financement supplémentaire de 35M€ par an pour la politique consacrée à la ressource dans les Outre-mer.
L’enjeu pour la Martinique est aussi stratégique, depuis 2021, puisque la Martinique a obtenu le titre de “Réserve mondiale de Biosphère” de l’UNESCO.