Les épisodes de sécheresse se succèderont sur la Caraïbe ces six prochaines décennies
Jean-Marc Party
20 mars 2023
Les prévisions des météorologues sont pessimistes en ce début de carême. Pire, le réchauffement du climat va accentuer les périodes de sécheresse ces soixante années à venir, notamment dans les Petites Antilles. Il appartient à chacun de nous de prendre ses précautions.
La sécheresse est là ! Nous avons tous remarqué que le Carême s’est installé, sans prévenir. Quelques signes ne trompent pas : la sensation d’air sec durant la journée après la fraîcheur du matin et du soir ; le début presque imperceptible du jaunissement de la végétation ; et surtout, l’absence de pluie. Si nous continuons sur cette lancée, l’utilisation de l’eau potable risque d’être rationnée. Laver sa voiture, remplir ou vider sa piscine, arroser ses plantes ou son jardin peut devenir compliqué dans les prochaines semaines.
Tout pessimisme mis à part, la Caraïbe est appelée à connaître des sécheresses plus longues et plus intenses que les normales saisonnières. Jusqu’aux années 2080, les pluies vont diminuer tout le long de l’année, même durant l’hivernage, la saison des pluies. C’est dire ! Une étude portant sur le changement climatique et ses conséquences sur les Antilles françaises, rendu publique à la veille de la COP 26 de Glasgow en Ecosse en novembre 2021, est sans appel à cet égard.
Cette étude est encore valable. Elle se base sur l’hypothèse pessimiste d’émissions constantes de gaz à effet de serre. Un scénario hélas réaliste. Nous ne parvenons pas à diminuer l’impact de l’activité humaine sur l’environnement naturel sur la planète, dans notre archipel y compris.
Les conséquences les plus évidentes de la succession des épisodes de sécheresse sont évidentes pour les météorologistes. Les ondes tropicales amenant la pluie sur nos îles seront de plus en plus rares. Les dérèglements du climat modifiant la trajectoire de ces nécessaires perturbations atmosphériques, les ouragans auront tendance à s’orienter vers le nord de l’archipel. Or, il fait plus chaud dans les zones situées au sud d’un cyclone que dans celles situées au nord.
De plus, durant la saison sèche du carême, la température baisse. Ce qui provoque une évaporation moindre et la production d’alizés circulant plus rapidement. Ce qui ralentit l’arrivée de la pluie. La sécheresse apparaît alors. Elle peut durer plusieurs mois. Nous l’avons vécu fréquemment cette dernière décennie.
Depuis 2010, les Petites Antilles ont connu des épisodes très secs en 2013, 2014, 2015, 2018, 2019 et 2020. Soit sept fois en treize ans. De mémoire de météorologiste, du jamais vu. Tout indique que ces épisodes vont se multiplier dans les prochaines années, le réchauffement du climat étant extrêmement violent dans les archipels de la ceinture tropicale sur toute la planète.
Les 40 millions d’habitants de la Caraïbe sont parmi les plus menacés, de manière durable. Dans les îles disposant de nappes phréatiques, les pénuries d’eau potable peuvent être évitées ou amorties. C’est le cas de la Martinique, de Sainte-Lucie ou de la Dominique et de la plupart des îles volcaniques. Mais à Barbade ou à Marie-Galante, par exemple, la situation risque d’être plus tendue.
Chacun étant averti, il est à espérer que nous ne connaîtront pas les affres du carême de 2020. En Martinique, plusieurs dizaines de milliers d’abonnés avaient été privés d’eau durant de longues semaines. La sécheresse est là. A nous de vivre avec.